Loi Rebsamen Pour ou contre ?
Et c’est sans oublier, les nouvelles contraintes liées à la tenue des comptes. Le fonctionnement du comité d’entreprise en 2016 va être revu et corrigé par les nombreuses interventions législatives de 2015. Que pensent les élus de ces boulversements ?
Pascal Barilliot : Routier chez Transport Prévost, 191 employés, secrétaire depuis 2 ans avec 4 titulaires.
Média CE : Comment vivez-vous ces bouleversements?
Pascal Barilliot : Je ne suis pas contre mais pour les petits CE comme nous, ce qui touche au contrôle comptable représente beaucoup de travail. C’est bien pour les grands CE, mais nous, nous n’avons pas de gros budgets. Je passe mon temps à courir un peu partout, une fois finie ma journée de travail j’entame la seconde au CE. Mieux vaut être motivé pour apporter le sourire aux employés qui en manquent en ce moment. Ce n’est pas toujours évident. Mais on y arrive.
Média CE : Vous pensez que les nouvelles règles comptables vont avoir un impact important sur votre mode de fonctionnement ?
Pascal Barilliot : Ca va beaucoup changer notre mode de fonctionnement au niveau de la comptabilité. Nous avions l’habitude de travailler à l’ancienne, de rédiger tous les comptes sur papier. Maintenant il faut un suivi en informatique. Mais mon trésorier il a toujours tout fait à la main. Il va devoir s’adapter à l’informatique et tout mettre sur mettre sur PC. C’est compliqué, il va falloir que je m’y mette aussi. Il faut un suivi permanent sur la compta.
Média CE : Quels sont vos moyens pour vous tenir au courant ?
Pascal Barilliot : On a eu une petite formation d’une bonne matinée avec Proweb. Mais c’est un peu court.
Média CE : Ca vous a couté cher ?
Pascal Barilliot : Non, nous avons bénéficié d’une invitation collective avec d’autres CE, ce jour-là. C’était pas mal, mais pas suffisant car c’est assez complexe. Il va falloir vraiment se pencher sur la question.
Média CE : Certains détracteurs de cette loi disent qu’elle risque de rendre la tâche des élus encore plus compliquée et, en particulier, ceux des petits CE. Vous en pensez quoi ?
Pascal Barilliot : Non, je ne pense pas que ça va faire disparaître les petits CE comme le nôtre, mais il faut que ce soit bien encadré. Avec ces nouvelles règles, il faut maintenant envisager un prévisionnel, et des tas de choses qu’on ne sait pas faire. Avec cette loi, on ne pourra plus se former sur le tas, les élus devront être formés en amont, sinon ils risquent de complètement nager. Je pense que la grosse difficulté pour le futur ce sera la formation, et ce n’est pas donné. Pour nous les petits, le budget social n’est pas suffisant, une fois que j’ai fini de payer mes chèques cadeaux, et vacances, les caisses sont vides. Ces règles sont contraignantes alors qu’on manque déjà de liberté d’action. La complication ne va pas favoriser la relève d’un CE. Il y aura encore moins de candidatures. Moi quand j’ai repris, j’ai tout créé au fur et à mesure. Là, on va vraiment devoir se former. Elle exige beaucoup de travail et d’organisation supplémentaires.
Média CE : Que pensez-vous de la diminution conséquente du nombre de réunions découlant de la loi sur le dialogue social ?
Pascal Barilliot : Je n’ai pas eu trop le temps de m’occuper de tout ça. Nous nous étions déjà adaptés au sein de l’entreprise, il n’y avait pas de réunions régulières, juste, quand c’était nécessaire. Pour nous, 4/5 réunions annuelles sont largement suffisantes. Il y aura peut-être moins de réunions et d’élus, moi je suis déjà secrétaire CE et CHSCT, et aussi délégué syndical, j’ai toutes les casquettes, c ‘est beaucoup de boulot mais très pratique, quand je fais une réunion, elle peut durer plus longtemps mais elle est plus constructive car je vais pouvoir aborder les 3 casquettes en même temps.
Média CE : Vous parlez des conséquences de cette loi entre vous ?
Pascal Barilliot : Ca nous est passé un peu dessus de la tête, on en parle, mais on ne se met pas trop la pression, on va s’en occuper en début d’année 2016. On n’a pas encore planché dessus. C’est vrai qu’on fonctionnait très bien avant, on n’en ressentait pas le besoin. J’estime qu’elle concerne plus les gros CE comme la SNCF que les petits comme nous. C’est sûr qu’elle risque de nous pénaliser à terme, ne serait-ce que financièrement, car il va falloir lui accorder du temps, alors que j’ai déjà perdu du salaire depuis mon investissement au CE. Il y a des déplacements que je ne peux plus faire pour m’occuper de mon CE. Je dois rester plus à la base, du coup je perds des frais professionnels, et dans notre entreprise, nous sommes tous personnel roulant, ce n’est pas simple. Mais c’est un choix que je ne regrette pas. Moi j’ai déjà un secrétaire adjoint depuis le départ, j’ai toujours pensé qu’il fallait que je puisse être remplacé. Et comme nous avons plusieurs sites sur la France cela paraissait évident d’avoir un adjoint. Nous avons un trésorier et je suis trésorier adjoint.
Média CE : Comment réagissent vos collègues ?
Pascal Barilliot : Les employés sont contents de notre travail, cela nous donne envie d’évoluer et de faire avancer les choses mais il faut qu’on soit carrés sur notre plan comptable, c’est de l’organisation et des fonds. Les gens ont envie d’apprendre.
Dominique Préhu : Journaliste chez HFA(Hachette Filipacchi Associés) du groupe Lagardaire Active.
Déléguée du Personnel CFDT chez HFA depuis plus de 20 ans.
Média CE : Comment accueillez-vous au sein de votre entreprise la Loi Rebsamen ?
Dominique Préhu : La loi Rebsamen est importante pour l’avenir des institutions représentatives du personnel. Elle apporte des modifications pour les élus de CE dans des sociétés de moins de 300 salariés. Mais chez HFA, nous sommes encore 1200 salariés. Pour les grandes entreprises, rien ne bougera a priori avant les négociations et certaines grandes sociétés ne sont pas pressées.
Média CE : Vous ne semblez pas inquiète ?
Dominique Préhu : Ce sera globalement positif à mon avis. La CFDT est favorable à la loi Rebsamen. Et elle est plutôt perçue comme positive chez les élus CFDT qui considèrent comme un bon point de chercher la simplification par le regroupement des thèmes de négociation. Grosso modo, cette loi apporte du mieux car elle simplifie les instances et les heures de délégation. C’est moins ardu à comprendre quand les thèmes de négociations sont regroupés, on ne débat pas par petits bouts qui ont l’art d’étirer à l’infini les négociations. Et qui, du coup, font qu’on met un temps fou à les appliquer. Je pense sincèrement que ça va simplifier la vie des élus dans les entreprises de plus de 300 salariés. Il faudra sans doute élaborer quelques aménagements et des garde-fous comme toujours. Sans compter qu’on ne change pas du jour au lendemain des habitudes. Mais contrairement à certains élus CGT qui remettent en cause la diminution du nombre des élus autour de la table, nous, à la CFDT, nous pensons que l’essentiel est de bien négocier, tout en étant bien conscients que certains patrons vont en profiter pour donner encore moins de contre-pouvoir aux CE. Mais de toutes les façons, nous ne sommes jamais décisionnaires. Nous avons surtout le pouvoir de donner notre avis ce qui n’est pas négligeable, car les patrons qui veulent la paix sociale respectent cet avis.
Média CE : Vous avez eu le temps d’étudier son impact sur le CE ?
Dominique Préhu : Non, pas encore, il faut que je me penche vraiment sur la question. Les impacts sont très techniques, il faut être très au fait pour les évaluer. Mais je crois que ça risque aussi de bousculer les acquis.
Média CE : Allez-vous avoir recours à une formation pour étudier le sujet ?
Dominique Préhu : Oui, car il faut être capable de le maîtriser. Je crois que la loi Rebsamen part d’une excellente idée : donner à la base la capacité de négocier en direct avec le patron, sauf que certains d’entre eux pourront faire pression auprès des élus. Il risque d’y avoir une fragilisation des négociateurs isolés, non syndiqués au sein de l’entreprise. Et ça, c’est nier la représentativité et le travail des élus. Je crois aussi qu’il y a un danger sur la formation. Elle sera assurée par qui pour les non-syndiqués? Cette loi remet en question un système qui existe depuis un moment et qui ne fonctionne pas si mal. Nul n’est censé ignorer la loi, encore faut-il avoir la capacité d’être formé, car pour pouvoir bien négocier, il faut être au même niveau de connaissances. Ce sont des chantiers intéressants mais je crois qu’il est encore trop tôt pour trancher Pour ou contre.